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Ours et Pastoralisme - François ARCANGELI - AP du 29 mars 2019

La lecture de ce vœu m’a laissé dubitatif. Je me suis demandé s’il avait été écrit pour cette plénière ou s’il est plus ancien, tant il reprend des clichés ressassés et surtout à quel point il ne tire aucun enseignement du retour d’expérience que nous pouvons faire de ces 20 dernières années.
On lit qu’il n’y aurait eu aucune concertation ! Je ne sais pas si vous le savez, mais en 1994, Michel Barnier alors Ministre de l’environnement créait une instance de concertation, l’Institution Patrimoniale du Haut Béarn (IPHB), qui depuis 25 ans discute des projets de lâchers d’ours et de développement du pastoralisme. 25 ans de concertation donc, pour arriver aux lâchers de 2018 !
On nous dit aussi qu’il n’y a aucune acceptation. Pourtant les études d’opinion sont constantes et unanimes depuis des décennies : au niveau national, régional, jusque dans les communes de montagne pyrénéennes, tous les sondages montrent le très large soutien des populations. Pour ne prendre qu’un exemple, le dernier sondage, fait il y a un an avant ces deux lâchers, montre que les habitants de montagne des Pyrénées Atlantiques demandaient à 73 % ces lâchers.
Surtout ce vœu se construit sur un postulat : celui que le pastoralisme et le maintien de la biodiversité et de l’ours seraient incompatibles. Or précisément, que nous enseignent ces 20 dernières années ? Le pastoralisme bénéficie de beaucoup plus de moyens qu’avant le retour de l’ours en Pyrénées Centrales ; il y a beaucoup, beaucoup beaucoup plus de berger, et il y a aujourd’hui moins de dégâts sur les troupeaux qu’avant le retour de l’ours. Mais tout le monde en a bien conscience, c’est une contrainte pour les éleveurs et c’est pour cette raison qu’il faut les accompagner.
Alors le vœu le rappelle à juste titre : l’État a été condamné l’an passé par le Tribunal Administratif. Parce qu’il y a des lois, parce que la France a signé des traités européens qu’il doit respecter. Il faut d’ailleurs se réjouir que dans notre Pays, une petite association pyrénéenne, composée d’élus, d’éleveurs, de professionnels du tourisme, d’habitants... ait pouvoir de traduire l’État devant les tribunaux et de faire constater ses manquements.
Nous avons à mener un combat sans précédent en faveur de la biodiversité. Un combat essentiel, qui va nous demander beaucoup d’efforts et de courage. Ce combat n’est pas un combat à la carte, où l’on ferait son marché entre les espèces que l’on veut et celles qui nous gênent et qu’on laisserait disparaître.
On ne peut pas un jour créer une Agence Régionale de la Biodiversité, et un autre prôner la disparition de la seule espèce de mammifère classée dans notre région en danger critique d’extinction. C’est une question de cohérence politique.
On ne peut pas demander aux pays autour de nous de prendre leur part dans le combat pour la biodiversité, en protégeant ici les grands singes, là les éléphants, les tigres ou les baleines, et nous en France considérer que, parce que c’est compliqué, on laisserait disparaître une espèce aussi emblématique que celle de l’ours. Alors ce vœu, finalement, ne défend pas le pastoralisme. Il ne règle rien car il est inopérant. C’est un reniement de nos engagements, un renoncement de nos obligations. Le voter serait donné un bien mauvais signal sur notre volonté et sur notre capacité à nous engager en faveur de la biodiversité.